Avez-vous déjà fait l’objet d’une expropriation par une municipalité? Ou, en tant que municipalité, avez-vous acquis un immeuble par expropriation pour fins d’utilité publique?

Si oui, vous devez savoir que les indemnités versées dans ce contexte soulèvent des enjeux fiscaux importants en matière de taxes à la consommation. Ces règles sont complexes, que l’indemnité soit issue d’une entente à l’amiable ou d’une décision rendue par le Tribunal administratif du Québec (« TAQ »), seul tribunal compétent pour fixer le montant d’une indemnité payable lors d’une expropriation.

Nous sommes conscients qu’au moment où un avis d’expropriation est reçu, vos énergies sont concentrées sur la compréhension de vos droits et obligations et que l’analyse des impacts en taxes est mise de côté  souvent même oubliée.

La présente publication vise à vous sensibiliser en regard des principaux éléments à retenir dans le cadre d’une expropriation, notamment les règles prévues par la Loi sur la taxe d’accise (« LTA ») et par la Loi sur la taxe de vente du Québec (« LTVQ »).

Comprendre vos droits et obligations lors d’une expropriation

Au Québec, les expropriations sont encadrées par le Code civil du Québec et la Loi sur l’expropriation. En matière de taxes de vente, la LTA et la LTVQ considèrent que l’acquisition d’un bien par expropriation constitue une « fourniture de bien » pour laquelle il est requis de déterminer la qualification fiscale en taxes du bien exproprié.

En principe, toute fourniture de bien est assujettie aux taxes, sauf si elle est visée par une mesure d’exonération spécifique. Le caractère taxable dépendra de la nature du bien exproprié. Par exemple, étant donné que les immeubles commerciaux sont généralement assujettis aux taxes, la qualification fiscale en TPS/TVH et TVQ suivra la même qualification dans le cas d’une expropriation, avec quelques subtilités discutées ci-dessous. Toutefois, une attention particulière devra être portée aux immeubles résidentiels qui pourraient être exonérés, ou partiellement taxables dans le cas des immeubles à vocation mixte (commercial et résidentiel). Chaque situation est unique et nécessite une analyse particulière de l’utilisation réelle de l’immeuble au moment de son expropriation.

L’indemnité payable par la Loi sur l’expropriation comprend généralement deux grandes composantes, soit la valeur du bien exproprié correspondant généralement à une somme donnée, ainsi qu’un montant à titre de dommages ou préjudices subis résultant de l’expropriation. Par exemple, les dommages ou préjudices subis peuvent être constitués des frais et déboursés afférents aux troubles et ennuis ou la perte d’un avantage économique. Il est important de noter que chaque composante doit être analysée séparément afin de déterminer si elle est taxable ou non. À cela peuvent aussi s’ajouter des intérêts versés sur les indemnités, lesquelles sommes sont considérées comme étant la contrepartie d’une fourniture de service financier exonérée de TPS/TVH et TVQ.

Lorsque les parties ne s’entendent pas sur le montant de l’indemnité, une indemnité provisionnelle peut être versée dans l’attente de la décision finale du TAQ. Si cette indemnité dépasse l’indemnité finale établie par le tribunal, un ajustement de taxes pourrait être nécessaire, ce qui entraînerait des obligations de remboursement de la part de l’exproprié. Dans d’autres situations, l’expropriation peut ne pas entraîner le transfert de propriété d’un immeuble, mais plutôt une restriction partielle liée à son usage (ex. servitudes, perte d’accès). Dans ces situations, l’indemnité pourrait ne pas être taxable, et une analyse devra être effectuée par un spécialiste en taxes.

Règles de perception et de remise des taxes

La responsabilité au regard de la perception et de la remise des taxes applicables dépendra du statut de chaque intervenant à une transaction, à savoir s’il est inscrit ou non aux fichiers de la TPS/TVH et de la TVQ. La LTA et la LTVQ prévoient des règles quant au moment où les taxes sont payables en regard d’une fourniture d’immeuble. Elles devront donc être prises en compte.

Lorsqu’une municipalité est inscrite aux fichiers de la TPS/TVH et de la TVQ, qu’elle acquiert un bien par expropriation et que les taxes sont applicables, c’est elle qui sera tenue de verser les taxes payables par autodéclaration.

Toutefois, dans la situation où la municipalité n’est pas inscrite, alors les taxes applicables devront lui être facturées distinctement par l’exproprié. En cas d’oubli de percevoir la TPS et la TVQ dans un tel contexte, l’exproprié est redevable des taxes auprès des autorités fiscales. Une omission pourrait résulter en l’imposition de pénalités et d’intérêts par les autorités fiscales, même plusieurs années après la transaction.

Conseils pratiques

Lorsque vous devenez partie prenante à une expropriation, pensez à détailler clairement les composantes attribuables à la valeur de l’immeuble et au dédommagement afin d’en faciliter la qualification (taxable ou non). De plus, nous vous encourageons vivement à consulter un professionnel expert en taxes à la consommation avant de finaliser une telle transaction, et ce, pour éviter toutes mauvaises surprises lors d’une éventuelle vérification fiscale.

Un article de notre équipe Taxes à la consommation

 

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