Comment faire face à la menace des tarifs douaniers ?
Depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis et encore plus récemment depuis son investiture le 20 janvier dernier et la multitude de décrets qui ont suivis, nous vivons dans un climat de grandes incertitudes économiques qui apporte son lot d’effets néfastes pour les consommateurs, tant les particuliers que les entreprises. En effet, l’incertitude créée par les droits de douane (ou tarifs) imposés par les États-Unis et la riposte canadienne rend la prise de décisions touchant les projets d’investissements difficiles tout comme la gestion des activités courantes en compliquant l’élaboration de budget ou de projections financières qui nous permettent normalement de guider nos décisions. Les tarifs peuvent avoir une incidence directe ou indirecte sur l’approvisionnement tout comme sur les ventes, sans savoir quand cela se terminera, ce qui ajoute à l’incertitude.
D’ailleurs, certaines entreprises commencent déjà à ressentir les impacts de cette guerre commerciale, n’ayons pas peur des mots.
En date du 19 mars 2025, les tarifs sur les produits conformes à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique sont pour la plupart exemptés de droit de douane, et ce, jusqu’au 2 avril 2025, à la suite du recul de M. Trump sur ce point. Date à laquelle nous serons exposés à l’humeur du président américain et où nous risquons de voir se reproduire le même scénario que précédemment, à savoir l’imposition de tarifs de 25 % sur toutes marchandises sans savoir ce que le gouvernement peut faire ou ne pas faire pour éviter cela, en espérant une autre période de sursis ou encore mieux, l’abandon de cette guerre commerciale qui n’est bonne pour aucun des deux pays. Difficile de savoir sur quel pied danser dans un tel contexte. Cependant, les tarifs de 25 % sur les exportations d’acier et d’aluminium sont bel et bien en vigueur depuis le 12 mars 2025 et rien n’indique que le Président Trump reculera à ce niveau. De plus, à partir du 2 avril 2025, le décret sur les tarifs réciproques entrera en vigueur, ce qui veut dire que les États-Unis taxeront les produits entrant sur leur territoire au même niveau que les autres pays taxent le même type de produits américains. Cela aura un impact sur les produits laitiers et le bois d’œuvre canadien, notamment. Bref, nous ne sommes pas sortis du bois. À l’heure actuelle, le gouvernement canadien travaille avec l’administration américaine pour obtenir des exemptions, c’est à peu près tout ce qu’on sait.
L’importance de l’achat local
Bien entendu, ce que l’on entend beaucoup depuis le début de cette guerre commerciale, c’est l’importance de l’achat local, de favoriser les produits canadiens et québécois plutôt que les produits américains. L’objectif ici n’est pas de nuire aux entreprises américaines, bien que celles-ci seront évidemment impactées, mais plutôt d’aider les entreprises canadiennes à passer au travers de cette crise. La semaine dernière j’assistais à une conférence donnée par Isabelle Hudon, présidente de la BDC et cette dernière a cité l’économiste en chef de la BDC, Pierre Cléroux, qui après quelques analyses faisait la conclusion suivante : « Si chaque consommateur canadien remplace chaque mois 25 $ de produits américains par 25 $ des produits canadiens, cela évitera au Canada de tomber en récession ». On voit ici l’importance de l’achat local, et en lisant entre les lignes, la prédiction de la BDC que le Canada entrera en récession en 2025 si les tarifs sont maintenus ou mis en application.
L’importance de la diversification
On constate avec cette guerre tarifaire que le Canada et le Québec sont énormément dépendants du commerce avec les Américains, c’est normal, les économies des deux pays sont fortement intégrées et cela ne pose pas de problème lorsque les ententes de libre-échange sont respectées. Cependant, lorsqu’un président ne respecte pas sa signature, la situation peut devenir problématique. Un peu comme en bourse où la diversification est une des clés du succès à long terme, le même principe s’applique en affaires, il est temps de revoir notre chaîne d’approvisionnement et nos partenaires commerciaux à commencer par le reste du Canada (les gouvernements provinciaux travaillent à faire tomber les barrières) et l’Europe, qui représente environ le même marché que les États-Unis, mais de l’autre côté de l’Atlantique. Développer des marchés prend du temps, il est donc primordial de prendre les devants et de commencer rapidement, si c’est possible selon votre secteur d’activité. On ne sait pas combien de temps les tarifs seront en vigueur, cela peut être 1 mois comme 4 ans, voir plus. Mais avoir une diversification de ses partenaires d’affaires permet d’être gagnant à long terme. Le programme Panorama d’investissement Québec permet le financement et l’accompagnement pour déployer une stratégie de diversification hors Québec.
L’importance de la planification budgétaire
Comme je le mentionnais en introduction, il est extrêmement difficile de prévoir l’effet à court, moyen et long terme des droits de douanes imposées par les États-Unis et le Canada, surtout que la situation évolue continuellement. Mais cela n’empêche pas qu’il faut tenter l’exercice, surtout si nous pensons que des décisions difficiles s’en viennent, comme des mises à pied, une augmentation des prix, l’abandon de certaines activités ou encore la réévaluation de projets d’investissements. Si les données sont incertaines, il est toujours possible d’établir des scénarios en allant du plus optimiste au plus pessimiste. L’information provenant de ces analyses aidera à prendre de meilleures décisions. Nos spécialistes chez Amyot Gélinas peuvent vous aider lors de l’exercice de planification budgétaire.
Les aides gouvernementales
Pour l’instant, la principale mesure d’aide qui a déjà été annoncée provient du gouvernement du Québec avec le programme FRONTIERE qui sera géré par Investissement Québec en tant que mandataire du gouvernement du Québec. Voici en résumé :
Objectif
Le programme vise à fournir un soutien financier aux entreprises québécoises du secteur manufacturier ou du secteur primaire (agriculture, exploitation minière, foresterie, etc.) qui subissent les conséquences des tarifs douaniers américains, afin de les aider à maintenir leurs activités et à préserver leurs liquidités.
Critères d’admissibilité
- Être immatriculées au Québec et y être en affaires depuis au moins deux (2) ans ;
- Avoir généré un chiffre d’affaires d’au moins 3 000 000 $ pour le dernier exercice financier complété ;
- Avoir démontré une rentabilité pour au moins un des deux derniers exercices financiers complétés, sauf pour les entreprises visées par des droits compensateurs et antidumping sur leurs exportations de bois d’œuvre destinées au marché des États-Unis ;
- Avoir généré au moins 25 % de leur chiffre d’affaires par des exportations vers les États-Unis pour le dernier exercice financier complété.
Aide financière
- Le programme offre des prêts pouvant atteindre jusqu’à 50 millions de dollars canadiens par entreprise. Le taux d’intérêt n’est pas annoncé.
- La durée maximale des prêts est de 7 ans.
- Un moratoire sur le remboursement du capital peut être accordé, allant jusqu’à 24 mois.
Les programmes habituels pour soutenir l’investissement, notamment, sont toujours en vigueur, mais à noter que les nouvelles modalités et l’enveloppe budgétaire du Programme Essor (volet 1 à 4) seront annoncés lors du dépôt du budget du Québec le 25 mars 2025. Suivez nos comptes rendus sur le budget qui résumeront les principales actions mises de l’avant par le gouvernement du Québec.
La BDC, EDC, les banques canadiennes, Desjardins et les MRC via les Fonds locaux d’investissement (FLI) peuvent aussi vous venir en aide, en premier lieu en vous accordant un moratoire sur les prêts que vous avez déjà. C’est d’ailleurs une mesure qui a déjà été annoncée pour les FLI. La BDC dispose également d’une enveloppe budgétaire supplémentaire de 500 M$ pour le nouveau programme Pivoter pour se propulser dont les objectifs sont similaires au programme FRONTIERE, mais où le chiffre d’affaires requis est de 2 M$ (plutôt que 3 M$).
Pour les entreprises agricoles, le ministère fédéral de l’Agriculture a annoncé par communiqué, le 22 mars 2025, une bonification du programme Agri-stabilité avec le doublement du plafond de paiement à 6 millions de dollars et le passage du taux d’indemnisation de 80% à 90%.
En conclusion
Plusieurs actions peuvent être entreprises dès maintenant pour mieux vous préparer à affronter l’impact des tarifs douaniers. Il est important de rester à l’affût des annonces des différents paliers gouvernementaux, car ceux-ci s’adaptent à l’évolution de la situation.
Un article de Gustave Legault-Brousseau, CPA Directeur – Services conseils
Pour approfondir votre lecture :
- Proactivité des mesures RH en période d’incertitudes – Amyot Gélinas
- Nouveaux tarifs douaniers : des ressources pour y voir plus clair | Ordre des CPA du Québec | Comptables professionnels agréés
- Financement pour répondre à l’offensive de nouveaux tarifs et pour les initiatives pour des entreprises résilientes et exportatrices (FRONTIERE)
- Agri-stabilité : Ce qu’offre ce programme – agriculture.canada.ca