Nous entendons trop souvent des clients nous dire : « Je croyais que si je ne réclamais pas de taxes sur les coûts de construction d’un immeuble locatif neuf, je n’aurais pas besoin de remettre des taxes par voie d’autocotisation »,
ou « Je ne suis pas inscrit en TPS/TVH et en TVQ, donc, les obligations de remise de taxes sur l’autocotisation ne me touchent pas ».
Ce sont de fausses croyances !
Force est d’admettre qu’un bon nombre de fausses perceptions ou croyances circulent encore à ce jour relativement aux règles visant l’autocotisation en taxes. Si l’on part du principe que les règles visant les immeubles sont parmi les plus complexes en matière de taxes de vente, il serait judicieux de prime abord de toujours consulter un spécialiste lorsqu’on prend part à une transaction immobilière.
La présente publication se veut donc un rappel de notions importantes destiné aux amoureux du domaine immobilier ainsi qu’à tous les professionnels qui accompagnent leurs clients dans ce cadre.
AUTOCOTISATION EN TAXES
Que l’on soit en présence d’un immeuble d’habitation locatif nouvellement construit, d’un immeuble d’habitation locatif ayant subi des rénovations majeures, ou de la construction d’une adjonction à un immeuble d’habitation locatif, les règles de fourniture à soi-même (« autocotisation ») prévues à la Loi sur la taxe d’accise (« LTA ») et à la Loi sur la taxe de vente du Québec (« LTVQ ») trouveront application, et ce, même si vous n’avez pas réclamé les taxes payées sur les coûts de construction de l’immeuble.
Ces règles ont été mises en place afin d’éviter que des constructeurs profitent d’un avantage sur les acheteurs lors de l’acquisition d’un immeuble d’habitation neuf. En effet, pour faire simple, lorsqu’une personne (société incorporée, société de personnes, particulier, fiducie, organisme sans but lucratif, etc.), nommée « constructeur » selon la définition dans la loi, construit ou fait construire un immeuble d’habitation destiné à la location résidentielle, elle est réputée l’avoir vendu et l’avoir racheté à sa juste valeur marchande (« JVM ») au moment où un logement dans l’immeuble est loué pour la première fois.
Ces règles sont applicables entre autres pour celui qui construit, fait construire, ou effectue la rénovation majeure d’un immeuble d’habitation dans le but de le louer à des fins résidentielles. Dans le cas où un immeuble situé au Québec serait vendu à la fin des travaux sans qu’il n’y ait eu un transfert de possession ou utilisation d’un logement par un premier locataire résidentiel, alors cette vente serait assujettie à la TPS et à la TVQ.
La taxe exigible dans le cadre d’une fourniture à soi-même devient payable à la dernière des dates suivantes :
- Le jour où les travaux de construction sont achevés en grande partie (généralement à 90 % complétés) ;
- Le jour où la possession ou l’utilisation d’une habitation dans l’immeuble d’habitation est transférée à un particulier pour son occupation à titre résidentiel.
Les autorités fiscales considèrent qu’aux fins de la TPS/TVH et de la TVQ, les travaux sont « achevés en grande partie » lorsque la construction de l’immeuble est complétée à un point où un particulier peut raisonnablement habiter les lieux (généralement à 90 % ou plus). Les réparations mineures, les ajustements et les améliorations qui restent à effectuer n’empêchent pas l’utilisation de l’habitation à titre résidentiel.
Donc, la date où la construction est achevée en grande partie (à 90 % ou plus) est une question de faits et de circonstances qu’il faut évaluer prudemment. L’évaluation du degré d’achèvement ne se fait pas uniquement en prenant en compte les coûts du projet, mais bien en fonction du moment réel d’achèvement des travaux effectués à l’immeuble.
Concernant le concept de JVM, celui-ci est défini comme étant le prix le plus élevé qui peut être obtenu sur un marché libre, sans restriction entre des parties agissant sans lien de dépendance et sans contrainte. Donc, dans le cadre de la détermination de la JVM de l’immeuble (terrain et bâtiment), nous recommandons d’obtenir une évaluation auprès d’un évaluateur agréé pour les fins de l’autocotisation afin de pouvoir justifier la valeur de l’immeuble auprès des autorités fiscales. Plusieurs personnes utilisent la valeur établie dans un rapport d’évaluation pour fins de financement. Or, ce rapport vise à déterminer la valeur à une date précédente ou ultérieure au moment de l’autocotisation, ce qui n’est pas adéquat. Également, il peut résulter de cette évaluation pour fins de financement, une JVM plus élevée que la valeur de l’immeuble en date de l’autocotisation, ce qui pourrait entraîner des conséquences fiscales négatives pour le constructeur.
Par ailleurs, il est important de noter que l’évaluation municipale n’est pas une valeur à privilégier lors de la détermination de la JVM dans le cadre d’une autocotisation. De plus, une vigilance accrue devrait être apportée à la méthode d’évaluation basée sur les coûts de construction, laquelle est préconisée par certaines personnes. La jurisprudence a retenu à quelques reprises cette méthode pour la détermination de la JVM d’un immeuble dans un contexte de marché primaire, mais prenez garde de considérer l’ensemble des coûts dont notamment les coûts indirects, les frais accessoires, tels que les frais financiers, de gestion, de publicité, de promotion et de développement ainsi que la valeur marchande du terrain au moment de l’autocotisation; sans oublier la valeur de tout type de désuétude à prendre en compte. Un rapport d’expert en évaluation immobilière est fortement recommandé même dans le cas où vous souhaiteriez utiliser la méthode d’évaluation basée sur les coûts réels du projet de construction, considérant que la position administrative des autorités fiscales semble indiquer que la méthode du coût réel de construction représente un coût de revient et conséquemment ne constitue pas la JVM de l’immeuble.
REMBOURSEMENT DE TAXES
Dans le cas où une autocotisation est requise et que le constructeur est inscrit aux fichiers de la TPS/TVH et de la TVQ, ce dernier peut réclamer la totalité des taxes payées sur l’ensemble des coûts relatifs au projet de construction de l’immeuble (jusqu’à la date d’autocotisation), à titre de crédit de taxe sur les intrants (« CTI ») et de remboursement de la taxe sur les intrants (« RTI »). En effet, un constructeur qui rénove de façon majeure ou construit un immeuble neuf ou une adjonction à un immeuble d’habitation locatif neuf, a le droit de réclamer les taxes payées sur l’acquisition du terrain et l’ensemble des coûts de construction de l’immeuble d’habitation. Ceci permet d’éviter la double imposition des taxes du projet lors de l’autocotisation des taxes applicables.
L’inscrit est libre de réclamer les CTI et les RTI au fur et à mesure de l’avancement du projet de construction suivant la réception des factures des fournisseurs, ou peut différer lesdites réclamations de taxes lors de la remise des taxes sur l’autocotisation, réduisant la sortie de fonds à la fin du projet.
Lorsque le constructeur n’est pas inscrit aux fichiers de la TPS/TVH et de la TVQ, la récupération des taxes payées sur les coûts de construction sera possible en présentant une demande générale de remboursement pour une personne non inscrite, auprès de Revenu Québec (pour une construction au Québec), dans les deux ans suivant la date d’autocotisation. Généralement, nous recommandons de produire la demande de remboursement au même moment que l’autocotisation des taxes sur la JVM de l’immeuble.
En outre, étant donné que les taxes sont exigibles sur la fourniture à soi-même, comme s’il s’agissait d’une « vente régulière » d’un immeuble neuf, le constructeur peut être admissible à des remboursements de taxes pour un immeuble d’habitation locatif neuf, calculés sur la base des taxes remises sur l’autocotisation, dans les circonstances où les critères d’admissibilité seraient respectés.
La demande de remboursement de taxes pour un immeuble d’habitation locatif neuf permet au propriétaire de réclamer jusqu’à 36 % ou 100 %[1] de la TPS remise sur la JVM de l’immeuble d’habitation (le montant du remboursement dépend de la JVM de chaque logement compris dans l’immeuble d’habitation).
Ainsi, dans le régime de la TPS, pour un projet de construction n’étant pas admissible à la bonification du remboursement de TPS en totalité, annoncée par le gouvernement fédéral le 13 septembre 2023, l’admissibilité au plein montant du remboursement de 36 % de la TPS payée requiert que la JVM d’un logement n’excède pas 350 000 $. Le remboursement de TPS est alors dégressif lorsque la JVM d’un logement excède 350 000 $ pour devenir nul dès que la JVM avant taxes atteint 450 000 $.
Pour un projet de construction admissible au remboursement de TPS bonifié à 100 %[1], il est à noter qu’il n’y a aucun plafond d’admissibilité. Toutefois, l’immeuble construit spécialement pour la location doit être constitué d’au minimum 4 logements et les travaux de construction doivent avoir débuté après le 13 septembre 2023, mais avant 2031, et achevés en grande partie avant 2036.
Dans le régime de la TVQ, aucune bonification n’a été annoncée par le gouvernement provincial. Ainsi, le plafond d’admissibilité par logement est plutôt de 225 000 $. Le remboursement de TVQ est alors dégressif lorsque la JVM d’un logement est de plus de 200 000 $, pour devenir nul dès que la JVM avant taxes atteint 225 000 $.
ATTENTION
Que vous soyez un particulier ayant construit pour la première fois un immeuble pour le louer, ou que vous soyez un entrepreneur chevronné habitué à construire des immeubles pour fins de revente, mais que vous avez décidé pour une fois de louer une ou des habitations avant la vente, les règles de fourniture à soi-même vous touchent précisément.
Il arrive bien souvent que des personnes actives du domaine immobilier soient surprises de nos conclusions à l’effet qu’ils doivent s’autocotiser alors que leurs lectures personnelles leur faisaient croire que cela n’était pas requis.
Considérant la complexité des règles applicables en taxes, nous vous conseillons de consulter un expert en matière de taxes à la consommation afin de valider votre situation précise. Pour toute information, n’hésitez pas à communiquer avec nous.
Un article de notre équipe de taxes à la consommation
[1] Bonification du remboursement de TPS à 100 % par le gouvernement fédéral pour tout immeuble construit spécialement pour la location de 4 logements et plus, dont les travaux de construction (début de l’excavation) ont commencé après le 13 septembre 2023. Voir notre article sur la Bonification du remboursement de TPS – Immeubles d’habitation locatifs – Amyot Gélinas (amyotgelinas.com)